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ILLUSIONS PERDUES | LOST ILLUSIONS

Volet 3

SARAH PIERCE

avec Thomas Dalbec

10 MAI - 28 JUIN 2014

Texte sur l'exposition

 

Nous l’allons montrer tout à l’heure. Quoi ? Eh bien, « Nous l’allons montrer tout à l’heure. »
– Derrida, “Premier séminaire,” La Bête et le souverain, Volume I (2009)

 

L’histoire commence avec une résidence d’artistes réalisée au Banff Center au début des années 1990, remarquablement intitulée « Instability of the Female Subject » (Instabilité du sujet féminin), qui culmina non pas dans la performance prévue, mais dans la piscine durant une fête nudiste organisée pour et par les participants sur le campus. Un enregistrement existe, diligemment réalisé à titre de « documentation » par un membre de l’équipe, et non autorisée par les femmes dans la piscine.

 

Durant la même période, alors qu’un autre scandale à Banff consistait en la vandalisation d’une œuvre de Mark Lewis par un « groupe de féministes sur le campus », plus tard à Toronto, lors d’une exposition à Mercer Union, cinq peintures et trente-cinq dessins considérés comme de la pornographie infantile furent saisis par la police. L’artiste Eli Langer, alors âgé de 26 ans, présentait sa première exposition individuelle. Au même moment, Sarah Pierce était aussi une jeune artiste vivant à Los Angeles ; ses recherches dans les documents d’archives lui ont rappelé un temps où les antagonismes envers les artistes prenaient davantage cette forme que l’auto-censure intériorisée, la désillusion ou le désaveu qui ont cours aujourd’hui. Bien que les accusations contre l’artiste et le directeur de Mercer Union furent abandonnées, le procès intenté contre Paintings, Drawings and Photographic Slides of Paintings, suivi par les médias, a rallié la communauté artistique. Les peintures de Langer lui ont été retournées après une année de saisie.

 

Montre-nous – quoi ? Et bien que « la raison du plus fort est toujours la meilleure. »

– Derrida, “Troisième séminaire,” La Bête et le souverain, Volume I (2009)

 

Durant plus de trois décennies, le facilitateur du Banff Centre, Ed Bamiling, a veillé sur les céramiques faites par les artistes en résidence, abandonnées et offertes. Cette collection non-officielle, constituée d’objets tests et d’œuvres achevées, est apparue dans les espaces d’exposition de Banff et de Montréal, tandis que des copies d’argile faites à la main par Pierce à Mercer Union s’y ajoutaient lors du troisième et dernier volet.

 

Une série de maquettes scénographiques en noir et blanc créées par le renommé scénographe tchèque Josef Svoboda, s’éloignent puis réapparaissent, se modifiant en une boucle continue. Bien qu’ils ne soient pas directement reliés au travail accompli par Svoboda à Banff, ces films 16 mm dont l’usage et l’origine restent incertains ont surpris autant les équipes des département des archives et du théâtre lorsqu’ils ont été découverts récemment.

 

Ou peut-être que cette histoire devrait commencer en 1966. Ou plutôt, nous sommes maintenant en 2014, et Sarah Pierce est à la galerie SBC à Montréal, explorant les boîtes d’archives issues de la période où SBC était le Centre Saidye Bronfman à la recherche d’échos sur le traumatisme institutionnel qui a accompagné l’exil de la section des arts visuels du Centre et sa relocalisation. Le statut de ces archives est incertain – il est évident qu’elles sont incomplètes et certaines questions se posent sur l’endroit où se trouve ou devrait se trouver ce qui manque, s’il existe encore. Des rideaux de toiles de jute fabriqués en 1966 afin de couvrir les fenêtres et obscurcir l’intérieur du Centre Saidye Bronfman, une architecture conçue à l’origine par Phillys Lambert, ont été retrouvés et rapportés afin de représenter, d’une certaine manière, quelque chose de ce traumatisme institutionnel. Ces rideaux, présents dans presque toutes les expositions de l’ancien centre, apparaissent dans pratiquement tous les clichés de documentation pris dans l’institution avant sa relocalisation en 2007.

 

Un inventaire d’objets perdus appartenant à une génération d’artistes qui apparaissent dans l’œuvre marque ces différents commencements. Tout au long des derniers huit mois, Pierce a produit une vidéo en trois parties filmée parmi les traces des expositions tout juste terminées dans les centres, des traces dont l’effacement a été rapide – ou remis à plus tard ? Les mélopées et gestes pratiqués par le Conceptual Art Club (Calgary), Olivia Simpson et Kayla Krische (Guelph) et Thomas Dalbec (Montreal) évoquent une scène illusoire.

 

Quelle scène ? Nous la montrerons maintenant très bientôt.

 

Par un geste évoquant la neige ou Magnus ou un lit défait.

 

Ou par une mélopée : Train – Train – Train – Train.

 

Si nous pouvons nous permettre de reporter encore le début de notre histoire : l’intérêt que Sarah Pierce porte au roman en trois parties écrit par Balzac, Illusions perdues (Lost Illusions) – qui a donné son titre à la série d’expositions – repose sur le portrait que l’auteur donne de la classe bourgeoise, impénétrable, et de ses codes non écrits. Lucien, le personnage principal du roman, dédie sa vie à l’imitation de ces codes qu’il ne parvient finalement pas à saisir. Ses fausses interprétations le mèneront à sa perte.

 

Pip Day, Georgina Jackson, Jesse McKee

ARTISTE

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