© Photo: Freddy Arciniegas @arcpixel
FUREUR ARDENTE:
UN RÈGLEMENT DE COMPTE
ADELA GOLDBARD
ACCOMPAGNÉ D'UN TEXTE DE VÍCTOR LAYME MANTILLA
28.03.25 - 17.05.25
COMISSARIÉ PAR SBC GALERIE D'ART CONTEMPORAIN
ANTOINE BERTRON
MARCELA BÓRQUEZ SCHWARZBECK
NURIA CARTON DE GRAMMONT
SANTIAGO TAMAYO SOLER
L'exposition FUREUR ARDENTE - Un règlement de compte présente l’œuvre d’Adela Goldbard. Une expérience sensorielle qui invite à réfléchir sur la mémoire collective et l’héritage de la domination coloniale. À travers sa collaboration avec des communautés quechuas du Pérou et p’urhépechas du Mexique, Goldbard crée un espace où les récits historiques dominants sont remis en question et de nouvelles formes de résistance culturelle sont explorées. À travers la vidéo et l’installation, l’exposition propose une réflexion sur notre relation au passé, nous invitant à l’affronter, le reconsidérer et même à le brûler, dans un acte symbolique de libération et de transformation.
L’œuvre de Goldbard s’étend également à l’art textile et à la pyrotechnie, des outils qui représentent visuellement les luttes des peuples autochtones. L’installation inclut un tissu fait avec des teintures naturelles, qui fonctionne comme un storyboard du film K’allpanakuy orcconchiskunapi, soigneusement réalisé par l’Association de Femmes Artisanes Surpuy de Santo Tomás Chumbivilcas.
Le drapeau arc-en-ciel du Tahuantinsuyo, symbole des principes d’harmonie de l’Empire Inca, encadre la figure d’un soldat espagnol en roseau et papier mâché, réalisée par le collectif d'artisans de cartonnage Artsumex de Tultepec, Mexique. Évoquant la tradition de bûcher de Judas, qui se célèbre lors de la Semaine Sainte où la figure du traître est incendiée, Goldbard utilise la pyrotechnie dans son œuvre comme une manière symbolique d’exorciser le passé, créant un lien entre l’art populaire, les traditions communautaires et la mémoire historique.
Le penseur et critique quechua péruvien Víctor Layme Mantilla, originaire de Ccoyo, une communauté de Chumbivilcas, souligne l’importance de l’art pour la restitution des identités autochtones. Ce texte curatorial est écrit à plusieurs mains, laissant la parole à Layme, pour qui le cinéma est devenu un outil de résistance culturelle pour les communautés quechuas, leur permettant de réécrire leur histoire et de transformer leur avenir.
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CHUMBIVILCAS: AUTONOMIE, RÉSISTANCE ET CULTURE VIVANTE.
Étymologie:
Ch’umpi: marron (couleur).
Willka: indompté, sacré.
“Chumbivilcas, l’une des treize provinces qui composent la région de Cusco, est reconnue au niveau régional et national pour sa riche diversité et sa singularité culturelle. La principale caractéristique de sa population est sa rébellion, son esprit de résistance, son caractère indomptable et son désir fervent de préserver son autonomie culturelle qui s’exprime à travers une vision du monde agro-centrique, profondément liée à ses divinités ancestrales telles que les apus et la Pachamama. Leur identité se consolide dans l’auto-affirmation culturelle, qui se manifeste lors de festivités telles que le qhasway pendant la saison des pluies, les ayarachis (musique funèbre associée aux événements marquants liés à la mort), le wayliya ou takanakuy, célébrations du solstice d’été adaptées à l’époque coloniale aux festivités de Noël. De plus, le syncrétisme culturel a donné naissance à des traditions telles que le waka t'inkay (fête du bétail), les courses de chevaux et la corrida, connue sous le nom de turus pukllay (le jeu du taureau).
L’une des manifestations les plus puissantes de la résistance culturelle à Chumbivilcas est la tradition du wayliya, qui mobilise presque toute la population et génère un profond sentiment de fierté. Cette tradition résume à la fois la résistance idéologique et religieuse, agissant comme une continuité historique du taki unquy, un chant rituel qui signifie « chant qui rend malade » ou « se rendre malade avec le chant ». Il ne s’agit pas d’une maladie physique, mais d’une altération de l’humeur. Lorsque les Chumbivilcans écoutent le rythme du wayliya, ils vivent une transformation spirituelle, libèrent leurs conflits intérieurs et sont capables de changer leur environnement, canalisant cette énergie à travers le takanakuy, une pratique où deux personnes se frappent mutuellement.
Dans un contexte provincial, les communautés natives luttent encore contre l’asymétrie sociale : les mistis locaux (descendants des propriétaires terriens) perpétuent des schémas coloniaux du développement social et de coexistence. Cependant, cette réalité a changé de manière considérable avec la présence croissante des jeunes des campagnes qui, grâce à l’accès à l’éducation supérieure, sont devenus des professionnels et certains ont même assumé des postes politiques par élection populaire, tout en maintenant un fort sentiment d’identité et d’appartenance culturelle. Il y a trente ans, seules les élites locales de chaque district étaient autorisées à exercer des fonctions publiques.
Au niveau national, Chumbivilcas est connue sous le nom de “province brave du Pérou” et ses habitants sont qualifiés de “braves qorilazos (cowboys)” en raison de leurs traditions et de leur histoire. En tant que groupe ethnique, la population de Chumbivilcas a résisté à l’expansion de l’Empire Inca, jouant un rôle actif dans les luttes d’émancipation contre les abus coloniaux et participant à la guerre du Pacifique contre le Chili. Son économie locale est dynamisée par ses actifs culturels, complétés par l’exploitation minière artisanale et à grande échelle. Ces activités façonnent une nouvelle dynamique économique et sociale, mais ont également entraîné de nouveaux défis pour la communauté, tels que la criminalité et la prostitution, affectant profondément les familles et la cohésion sociale, notamment en ce qui concerne des valeurs telles que le respect, la solidarité et la réciprocité (ayni - mink'a), principes fondamentaux de la coexistence de la population locale.”
Víctor Layme Mantilla
Santo Tomás, Chumbivilcas, 27 février 2025
À PROPOS DE L'ÉCRIVAIN
Victor Layme Mantilla est un enseignant, écrivain, dirigeant social et conseiller en éducation interculturelle, originaire de la communauté quechua de Ccoyo (Chumbivilcas, Pérou). En 2013-2014, il a été consultant en éducation interculturelle auprès de l'État plurinational de Bolivie. Depuis 2015, il travaille comme spécialiste de l'interculturalisme au ministère de la culture de Cusco. Il a organisé des congrès nationaux et internationaux sur l'éducation rurale et l'interculturalité à Puno, Cusco, Lambayeque, Cajamarca, Huánuco, Ayacucho et Cochabamba, en Bolivie. Il a notamment publié Nación Ch'umpiwillka (2013) et Takanakuy : Cuando la Sangre Hierve (2003).
À PROPOS DE BAILA CONMIGO CANADA
L’association culturelle Baila Conmigo Canada a comme mission promouvoir la culture péruvienne à travers ses danses folkloriques. Depuis l’été 2016, elle réalise différent atelier de danse de la Côte, des Andes et de l’Amazonie péruvienne dirigées aux enfants et adultes.

ADELA GOLDBARD
Adela Goldbard est une artiste-chercheuse transdisciplinaire originaire du Mexique et professeur associé à la Rhode Island School of Design. Elle est titulaire d'une maîtrise en sculpture de la School of the Art Institute of Chicago et d'une licence en littérature hispanique de l'Université nationale du Mexique.
Goldbard étudie le potentiel de la violence en tant qu'outil esthétique dans la résistance au pouvoir, en explorant les processus collectifs de création, de mise en scène et de destruction. Elle a présenté plus de 25 expositions individuelles, dont une rétrospective à mi-carrière au Centro de la Imagen (Mexico, 2024). Basée à Providence, Rhode Island, et à Mexico, elle travaille actuellement sur une commande pour la Triennale d'art public de Boston.
CE PROJET A ÉTÉ RÉALISÉ GRÂCE AU SOUTIEN GÉNÉREUX DE :
Sistema Nacional de Creadores de Arte, Sistema de Apoyos a la Creación y Proyectos Culturales, México;
Fonds de Recherche du Québec - Société et Culture;
Rhode Island School of Design, Providence, RI;
Centre for Sensory Studies, Université Concordia.