ÉVÉNEMENTS
Colloque Observatoire des Médiations Culturelles (OMEC) : "Cohabiter"
Les 1, 2, 3 juin 2022 Montréal
Symposium international de recherche, d’action et de création
Ces corps d’eaux que nous sommes | Sound and Space Research | Sandra Volny & Simon Bélair
Dimanche 19 Juin de 11h à 12h30
Dérive sonore dans le parc de la Visitation
2 Juillet 2022, à la SBC
14h30 - 15h30 : Visite guidée par
Gwynne Fulton
16h : Performance de Pilar Escobar
17h - 19h : Cocktail
LES ARTISTES
Sebastián Calfuqueo
Carolina Caycedo
Mei-Kuei Feu
Genevieve Robertson
Daniel Torres
Pour plus d'informations sur les artistes et leurs oeuvres, veuillez cliquer ici.
LA COMMISSAIRE
Gwynne Fulton est théoricienne de l’image et commissaire indépendante basée à Tiohtià:ke/Mooniyang/Montréal. Elle détient un doctorat en philosophie et en histoire de l’art de l’Université Concordia. Elle a organisé des programmes de films et des ateliers sur l’État carcéral, la migration illégale, la géopolitique visuelle des océans et l’assassinat ciblé de défenseurs des terres en Colombie. Ses écrits ont été publiés dans Esse arts+opinions, Mosaic, In/Visible Culture, ARP Books et les éditions Dazibao.
PARTENAIRES
La rivière est une voix / qui refuse / de rester silencieuse /
Que s’ouvre-t-il / dans la langue / des eaux ?
Río Herido/ Wounded River, Daniela Catrileo
La rivière Atrato en Colombie et la rivière Magpie/Muteshekau Shipu au Québec ont été reconnues dans les dernières années comme étant porteuses de droits. Dans le contexte de justice transitionnelle colombienne, l’Atrato est reconnue comme étant une victime du conflit armé plutôt qu’une simple scène sur laquelle le conflit s’est déroulé. La Muteshekau Shipu, « les veines » de la terre ancestrale des Innus, a quant à elle le droit d’intenter une action en justice. Que cela signifie-t-il pour les rivières de participer aux processus de justice légale et réparatrice? Comment témoignent-elles des histoires de conflit et de colonisation, et quelles stratégies d’écoute pouvons-nous développer pour entendre ce qui s’exprime à travers leurs langages pluriels?
Prenant comme point de départ les droits politiques des rivières, Confluences rassemble des œuvres de Sebastián Calfuqueo, Carolina Caycedo, Mei-Kuei Feu, Genevieve Robertson et Daniel Torres qui évoquent des luttes pour l’eau à travers les hémisphères et les systèmes juridiques. L’exposition s’intéresse aux écologies politiques et aux ontologies de l’eau, à l’histoire sociale des voies navigables et à l’héritage de la violence hydrocoloniale qui lie le Canada au Sud par le biais de projets extractifs et hydroélectriques.
Confluences négocie les tensions entre les rites et les droits : entre, d’une part, les actes quotidiens de marche, de dessin et d’organisation collective comme formes de résistance au-delà de l’État et, d’autre part, les actes juridiques qui élargissent à la nature les droits humains. Les droits fluviaux sont un mécanisme stratégique pour conférer une protection aux rivières et aux communautés qui les défendent et en dépendent. Ils doivent tout de même être remis en question de manière critique. En explorant des connaissances dites submergées, les œuvres présentées ici militent pour ce qu’Ariella Aïsha Azoulay appelle les « droits non impériaux », ceux qui ne découlent pas de déclarations fondées sur des documents et élargies à des sujets non humains par des mécanismes étatiques impérialistes, mais ceux qui découlent plutôt des rivières elles-mêmes. Par le biais du film et de la vidéo, de la photographie, du dessin et de la performance, les artistes mettent en scène des gestes poétiques et politiques qui contribuent à rendre audibles les autorités et les responsabilités juridictionnelles propres aux rivières. Ils réfléchissent à ce que cela signifie pour une rivière d’avoir une mémoire, mais aussi d’être une voix qui refuse de se taire. En écoutant le langage des rivières, iels nous invitent à considérer notre propre devoir envers le lieu.
Ces œuvres réunies ici pleurent les rivages inondés, les écosystèmes perturbés et les communautés déplacées. Le Serpent River Book de Caycedo serpente sur le sol de la galerie, réactivant la résistance populaire aux projets hydroélectriques multinationaux le long des rives de la Magdalena/Yuma. Robertson puise dans la mémoire minérale du limon pour réimaginer un rivage submergé par les barrages du bassin du fleuve Columbia. Calfuqueo offre son corps à l’estuaire de Violen, à travers un rituel performatif ancré dans les cosmologies mapuches qui remet en question la privatisation néolibérale de l’eau par l’État chilien. Alors que Feu marche prudemment sur les terres d’autres peuples pour cultiver des relations douces avec les écologies et les communautés fluviales, Torres s’interroge de manière autoréflexive sur la façon dont les humains perçoivent les rivières et dont l’Atrato, à son tour, pourrait s’élever pour se défendre contre l’activité humaine en proclamant sa capacité d’inonder comme un droit de naissance cyclique. Témoignant des collaborations élargies avec les rivières, ces interventions perturbent notre compréhension de celles-ci tout en se tenant responsables de diverses formes d’extraction : extraction d’images, de connaissances, de minéraux et d’hydroélectricité. Cette hydrocartographie donne lieu à de multiples compréhensions des rivières : en tant que territoires non binaires qui entrelacent des acteurs humains et non humains dans une relation de réciprocité asymétrique, en tant que contre-archives des disparitions, en tant que forme vivante de mémoire et sujet de droits.
Le titre de l’exposition rend hommage à Tio’tià:ke, le nom Kanien’ʼkehà:꞉ka (Mohawk) de Montréal qui signifie « là où les courants se rencontrent ». Elle met en scène la rencontre de la Cautín, de l’Atrato, de la Magdalena/Yuma et de la Columbia sur la plus grande île de l’archipel d’Hochelaga située près du confluent du fleuve Saint-Laurent et de la rivière des Outaouais. Cette rencontre de rivières provenant de contextes cosmopolitiques différents est une provocation pour un dialogue continu entre les artistes autochtones et non autochtones, les masses d’eau et les organismes juridiques qui travaillent à la revendication des droits du fleuve Saint-Laurent.
Les terres non cédées sur lesquelles se trouve la SBC galerie d’art contemporain ont une longue histoire d’intendance par les peuples autochtones, qui sont les gardiens traditionnels des eaux connues sous le nom de Kaniatarowanenneh (grande voie d’eau) pour les peuples mohawks et de Kahnawáʼkye pour les Tuscarora. J’honore le soin qu’ils apportent à ces eaux. Le montage de cette œuvre est une action dans le cadre d’un engagement plus large à des conversations et des actions qui excèdent nécessairement la temporalité de l’exposition. Avec Confluences, je reconnais la longue durée du capitalisme hydrocolonial au Québec (l’un des plus grands producteurs mondiaux d’énergie hydroélectrique) comprenant aussi bien l’arrivée des colons européens ainsi que l’expansion du développement industriel et du projet impérial de la voie maritime qui a radicalement remodelé le cours de la rivière qui traverse les territoires ancestraux, que le ciblage des corps gender queer, des communautés afrodescendantes, autochtones et campesino qui s’organisent pour défendre l’eau sur l’île de la Tortue / Abya Yala.
Gwynne Fulton, commissaire
1 - Ariella Aïsha Azoulay, Potential History: Unlearning Imperialism, New York, NY: Verso Books, 2019.
2 - Darren Bonaparte, “Kaniatarowanenneh, River of the Iroquois.”, Wampum Chronicles, n.d. http://www.wampumchronicles.com/kaniatarowanenneh.html.