RUIDO DE PAPEL / PAPER NOISE / BRUIT DE PAPIER
Artiste en résidence: Amanda Gutiérrez
25.03.2021 - 01.05.2021
ÉVÉNEMENTS
17 avril, 2021 à 18h
Performance en direct virtuelle d'Amanda Gutiérrez. Pour plus d'information veuillez cliquez ici.
Atelier : Sonido Verde (Son Vert)
Samedi 20 mars, 11h - 13h
Sonido Verde (Son vert) est un atelier interdisciplinaire, donné par Colectivo Vivas (ARG) et Amanda Gutiérrez (MX). L'atelier aborde les aspects de l'écoute et de la création du paysage sonore en tant que forme de résistance et de création. Il analysera et travaillera avec des processus créatifs liés aux pratiques écoféministes et xénoféministes, où la technologie fonctionne comme un outil collectif d'histoire orale.
Par : Amanda Gutiérrez et #VIVAS
Activité gratuite - Capacité limitée
Jeunes et adultes
mazinfo@zapopan.gob.mx | 3338182575
À PROPOS DU PROJET
Texte par Lola Baraldi
Le collage, une identité: les pas vagabonds de PAPER NOISE/ BRUIT DU PAPIER/ RUIDO DE PAPEL
BIOGRAPHIE DE L'ARTISTE
Amanda Gutiérrez (née 1978, Ville de Mexico) Formée et diplômée initialement comme scénographe de l’École nationale de théâtre au Mexique, Gutiérrez utilise une gamme de médias tels que le son et la performance pour enquêter la culture auditive de la vie quotidienne. Gutiérrez préconise activement les pratiques d’écoute tout en étant l'une des membres du conseil d'administration du World Listening Project, travaillant auparavant avec la Midwest Society of Acoustic Ecology, et actuellement en tant que membre du comité scientifique de la Red Ecología Acústica México.
Actuellement, elle est étudiante au doctorat à l'Université Concordia et assistante de recherche au laboratoire PULSE et Acts of Listening Lab. Gutiérrez a organisé de nombreuses résidences d'art à FACT, Liverpool au Royaume-Uni, ZKM en Allemagne, TAV à Taiwan, Bolit Art Center en Espagne, et son travail a été présenté en exposition à l’internationale dans des lieux tels que la Biennale de Liverpool en 2012, le Lower Manhattan Cultural Council. Bénéficiaire d'une bourse du National System of Art Creators, au Mexique, Gutiérrez a récemment été destinataire de résidences au New York Camera Club, Harvestworks et MISE-EN_PLACE Bushwick.
BIOGRAPHIE DE L'AUTEURE
Lola Baraldi est une gestionnaire de projets créatifs qui travaille actuellement avec MUTEK Montréal pour coordonner les partenariats, la plateforme virtuelle et les projets numériques. Passionnée par notre relation avec l'espace urbain et les dialogues sur les murs, ses recherches sur la musique et les arts de la rue ont été publiées dans des initiatives telles que la série "Sampling Politics Today" de Norient et la conférence "Context and Meaning" de l'Université Queens. Lola étudie actuellement une maîtrise en gestion culturelle et artistique et est active dans l'industrie de la musique depuis 2017, commençant comme rédactrice pour promouvoir la scène de musique électronique de Montréal et prenant de nouvelles casquettes en cours de route. Elle siège au Conseil de la nuit de Montréal, dirigé par MTL 24/24, et est toujours intéressée à en apprendre davantage sur l'économie nocturne et l'histoire de la musique.
Nous sommes en mars 2021. La vie sociale hiberne et les espaces créatifs veillent. Cet hiver, nous voilà emballé.e.s sous plusieurs couches de mesures sanitaires, délimitant le déplacement de nos corps à travers la ville. En marchant vers la galerie SBC, des pinceaux dans mon sac et une pandémie à nos trousses, le fait de me diriger vers un endroit inconnu, à l’intérieur, me semble transgressif. Désynchronisé avec les temps.
Mes pas résonnent en passant par les cinq étages vides qui mènent à SBC, perchée au-dessus de la rue Sainte-Catherine, où se bousculent d’imperturbables acheteur.euse.s. Histoire d’épouser l’exposition en cours, la galerie s’est improvisée en véritable maker space. Ce soir, elle accueille quelques membres du collectif Collages Féministes Montréal, dont les mobilisations noctambules se sont étroitement agencées après le coucher de soleil et avant le début du couvre-feu.
La peinture à déjà commencé. Les feuilles A4, habituellement placées à sécher sur les sols des chambres et les coins des balcons, sont éparpillées sur le plancher. En peignant la courbe d’une lettre, la main d’une colleuse glisse. Kira jette le papier par frustration, annonçant "C'est fichu maintenant". Amanda Gutierrez se précipite pour attraper la feuille froissée la posant sur l'une des installations éphémères de la galerie ; "C'est parfait".
Elle lance un regard complice autour de la pièce, détectant ce que nous sommes moins habitué.e.s à voir - le théâtre invisible d'un espace provisoire.
PAPER NOISE/BRUIT DU PAPIER/RUIDO DE PAPEL
Étudiante de longue date en son et performance, Gutierrez interprète les silhouettes des espaces éphémères depuis maintenant deux décennies. Son travail porte sur les conflits de collectivité et d'identité au sein de l'espace urbain, et sur la manière dont ceux-ci se mêlent à l'acoustique environnante. Utilisant une approche de recherche participative, elle examine la manière dont la perception de soi et de l'autre est façonnée par des systèmes dont nous avons hérité, ainsi que par les sons avoisinants et les normes sociales. Elle interroge comment les frontières, le genre, et autres constructions humaines affectent et restreignent nos identités, nos mouvements.
PAPER NOISE/ BRUIT DU PAPIER/ RUIDO DE PAPEL explore l'utilisation du collage physique et audio comme outil de résistance face à ces contraintes, et comme moyen d’expression à travers les codes et les flux de la vie en ville. Au cours d'une résidence de six semaines, Gutierrez a rassemblé les perspectives de collectifs féministes ancrés dans la vie urbaine, les transformant en support de création : Collages Féminicides Paris, Collages Féminicides Montréal, Collages Féministes Montréal, VIVAS Buenos Aires et Womxn Walk the Walk.
La perception comme mise en scène
La sensibilité scénographique et la formation en production théâtrale de Gutierrez ont été réinvesties dans la mise en place de cinq phases : Introspection, Collectivité, Itération, Résonance et Dialogue. Diverses œuvres, créées à base de papier, texte, ou réalité augmentée, ont été adaptées à partir d'entretiens, de conversations et d'enregistrements de terrain réalisés lors des manifestations #NiUnaMenos à Buenos Aires.
La transformation de l'exposition en un espace de mutation a été inspirée par le mouvement Fluxus des années 1960 et 1970 et sa déconstruction cinglante des normes. Comme les espiègleries du mouvement Fluxus, PAPER NOISE a embrassé l'éphémère, impliqué les spectateur.trice.s et composé par improvisation. En fonction des dialogues naissants, le réaménagement hebdomadaire de SBC a permis de saisir la spontanéité de la narration orale - et a peut-être provoqué le caractère plus brut de nos réactions. En mettant en lien la relation entre l'art, l'identité et les expériences quotidiennes, PAPER NOISE a rompu avec la conception d'une galerie en tant que cube blanc, accueillant un artisanat effronté et perturbateur.
Parcourir la ville comme source d’identité
Entre chacune des cinq phases, un œil attentif observe avant de créer.
Cette capacité d'observation acquise découle d'années de flânerie, de promenades aux pupilles curieuses lisant les visages entre les bâtiments. Une flâneuse devenue intervenante, l’approche de Gutierrez est ancrée dans l'expérience genrée de l'espace urbain. Popularisé par la prose dandy de Charles Baudelaire dans le Paris du XIXe siècle, le concept de "flânerie" - parcourir la ville comme un loisir, en observant, sans destination ni fins - traverse les mouvements artistiques au fil des décennies, des surréalistes aux situationnistes. Au cœur de cette structure, un point d’interrogation quant à l'absence des flâneuses féminines dans la littérature moderne subsiste (Janet Wolff, "The Invisible Flâneuse"). La femme errant librement dans les rues du Paris de Baudelaire, par exemple, était plus facilement associée à la prostitution (Susan Buck-Morss, "Walter Benjamin : escritor revolucionario") que la contemplation.
D’un point de vue historique, le droit de librement déplacer son corps dans l'espace public a varié selon l’identité de genre, rencontrant des degrés inégaux d'inclusion culturelle et sociale, d'exclusion ou de violence. Dans notre vie quotidienne, la peur d'être blessé.e ou harcelé.e peut nous amener à la contorsion de soi, à l’adoption de nouvelles techniques, comportements, habitudes ou vêtements aidant à se sentir mieux protégé.e au sein des espaces publics.
Le collage comme résistance
PAPER NOISE a cartographié l'une des façons dont des groupes de femmes, de personnes trans et non-binaires ont exprimé leur expérience de la violence sexiste et raciale. L’exposition a mis en lumière la méthode de collage de rue adoptée par des mouvements féministes décentralisés, à travers le monde entier.
En marquant les murs d'une ville d’un slogan passager, noir sur blanc, ces groupes rejoignent le débat public avec des mots et points de vue alternatifs, revendiquant et verbalisant l’espace urbain.
Une forme de performance, ces collages s’adressent aux exclu.e.s de la vie urbaine par une forme choisie d'intervention publique - qui, comme le graffiti, "subvertit le système, en lui mettant constamment des bâtons dans les roues, en contrecarrant l'homogénéité" (Alain Bieber, "Désirs").
L'audio comme pouvoir
PAPER NOISE a creusé les paysages sonores du collage. Celui du collage nocturne, hâtif et coopératif, et ceux des productions audio #VIVAS, ces performances sonores live développées à partir d'une base de données audio collective issue de marches politiques féministes en Amérique latine.
Amanda nous confie un jour que toute la substance et le poids ressentis se retrouvent dans le son. Le son enveloppe nos mots, expose le silence, communique la rage, le frémissement ou le frisson d'une voix. Les langues que nous parlons encadrent notre compréhension. Le son est un conducteur stable de vérité au fil de nos expériences fragmentées. Et donc, comment sommes-nous accueillis par les bruits de fond quotidiens ? Peuvent-ils être de subtiles sources de friction, ou d’harmonie avec l’espace qui nous forme ?
En conclusion, et dans la continuité : Xeno Walk
Les expérimentations de la résidence ont centré le travail de collectifs féministes à travers la technologie, utilisée comme un outil pour magnifier les voix et susciter l'empathie.
Enregistré tout au long des six semaines, un projet sonore spatial intitulé "Xeno Walk, an aural essay about collective feminism" rassemble des enregistrements de terrain, des entrevues et des dialogues. Des voix militantes du Nord et du Sud sont superposées et intégrées au paysage urbain, abordant leurs luttes, contraintes et parcours de vie. Présenté dans le cadre de Pop Montréal 2021, le projet géolocalise des extraits audio dans des lieux clés du Mile End, que les promeneurs et promeneuses peuvent écouter à l'aide d'une application de réalité augmentée.
En utilisant de nouveaux outils qui amplifient ces voix sous-représentées, Xeno Walk cartographie ce qu'Elizabeth Grosz désigne comme modèle alternatif essentiel, un nouvel espace pour les femmes, où les connaissances et les technologies sont construites en fonction de leurs expériences et de leurs besoins - et non seulement héritées de perspectives masculines.
Projetée dans ce nouvel espace numérique, la flâneuse prend enfin la parole et donne la réplique à une ville. Une ville qui lui ressemble dans sa complexité.